Geneviève Lefebvre

Une interview de Geneviève Lefebvre par La Grande Alice, webmaster du blog.

Bonjour Geneviève, tu es médiatrice après une longue carrière de thérapeute, et tu as choisi de pratiquer la médiation essentiellement en comédiation. Un choix qui peut paraître surprenant compte tenu du fait que le métier de thérapeute est plutôt un métier solitaire ?

Solitaire oui et non dans la mesure où j’ai toujours eu à cœur dans le travail thérapeutique, notamment en groupe, d’avoir des assistants, homme ou femme.

Que t’apporte la co-animation des séances de médiation ?

Moins de fatigue ! Et au-delà de cette boutade, néanmoins vraie, le plaisir très grand de partager un même objectif, très souvent dans une proximité de sentiments et d’émotions et pour le bien des médiés. Un autre avantage non négligeable, compte tenu quelquefois de la dureté des situations qui nous sont présentées, de pouvoir partager, se soutenir, s’encourager mutuellement et se réconforter devant parfois des situations très douloureuses. Et n’oublions pas le très grand plaisir d’assister avec ma ou mon « co » à l’apaisement de conflits et des douleurs qu’il engendre.

Le plaisir semble être un élément important de la comédiation ?

J’ai eu l’occasion de faire des comédiations avec différentes personnes, essentiellement avec mon associée Marthe, mais pas seulement. À chaque fois, je crois pouvoir dire que l’un et l’autre nous avons retiré de cette expérience de nombreux points positifs tel que le défi de travailler avec quelqu’un de très différent par sa fonction, son âge, par exemple. J’ai comédié avec différents avocats et avocates, ce fut une expérience riche et positive pour tous, grâce entre autres à notre débriefing de fin de séance où nous échangeons à cœur ouvert sur des points qui ont pu apparaître maladroits ou délicats. Mais attention, il est important avant d’entamer le processus de médiation, de se parler, se mettre d’accord sur une ligne de conduite et surtout de veiller à ce que les deux comédiateurs soient éloignés d’idées tels que le leadership, le pouvoir, la rivalité, mais plutôt dans l’esprit de la coopération et de l’intelligence collective. Il faut abandonner l’idée que chacun doit avoir 50 % de la parole par exemple, cela ne veut strictement rien dire. Il s’agit plutôt d’une qualité de présence que les médiés sentent parfaitement.

Quels conseils principaux donnerais-tu aux médiateurs qui désirent travailler en comédiation ?

Avant toute chose de travailler sur eux-mêmes, ce qui dans ma bouche veut dire : tenter de se connaître au mieux ; connaître ses forces, ses vulnérabilités (ce qui est  le plus important), travailler sur ses projections et préjugés, être authentique dans ce que nous sommes, rencontrer leur comédiateur potentiel en cherchant avant toute chose la complémentarité. Si vous êtes une personne de tendance dite « émotionnelle », je vous recommande de comédier avec une personne plus « mentale », moins sensible aux aspects affectifs, ayant une plus grande facilité à l’analyse, la réflexion, la logique, etc. Non pas que les « émotionnels » en soient dépourvus, mais dans le feu de l’action et quand les médiations sont dans une densité rapide, il est important que l’autre nous complète.

La comédiation, en France du moins, n’est pas encore très développée, qu’en penses-tu ?

Je pense que c’est fort dommage, ce pourquoi avec ce modeste blog nous espérons donner envie d’aller dans cette direction. Je crois surtout que c’est un poids très lourd de travailler seul face au minimum à deux personnes et bien davantage s’il s’agit d’une fratrie ou le service d’une entreprise. N’oublions pas que les médiés sont en colère et en souffrance, cela n’a rien d’anodin pour la santé et l’équilibre du médiateur seul face à tout cela.